PATHOLOGIE DES CONSTRUCTIONS: « PATHOLOGIE DES MAÇONNERIES »
PATHOLOGIE DES CONSTRUCTIONS
« PATHOLOGIE DES MAÇONNERIES »
1. Introduction :
Une maçonnerie est un empilage de
blocs (pierre, terre cuite, béton, etc.), bien liés entre eux par du mortier et
souvent couverte d’un enduit. Ainsi, on marie des matériaux de natures différentes
qui se comportent de manière différente et l’on souhaite en faire un assemblage
homogène qui vieillira durablement.
Cet art de construire, le plus
ancien qui soit, approprié à la main d’œuvre artisanale a traversé plusieurs
siècles grâce à l’utilisation de matériaux lourds et inertes. Il n’en n’est
plus de même aujourd’hui :
• Les blocs creux sont légers mais
de faible résistance,
• Les blocs de béton sont poreux et
font du retrait,
• Les pierres sont mises en œuvre
dès leur extraction, encore humides,
• Les briques creuses gonflent,
• Les joints ‘’grillent’’ au contact
des blocs très absorbants,
• Les enduits font trop de retrait,
2. Erreurs de
conception et de choix des matériaux
a-Résistance
insuffisante aux efforts :
La maçonnerie –ensemble hétérogène-
doit résister, suivant sa fonction, à des charges verticales (planchers, murs
du dessus, toiture), à des poussées horizontales (vent, terre, matériaux
stockés) et à des efforts tangents (contreventement).
i., Charges verticales :
Une
maçonnerie en blocs creux n’est pas apte à servir d’appui à une grosse poutre, surtout
en extrémité car l’étalement n’y est pas possible.
Exemple 1 :
Un
bâtiment scolaire s’effondre partiellement en cours de construction par
écrasement de la maçonnerie.
S’agissant d’un bâtiment à deux
niveaux et 9,0 mètres de large, prolongé d’un autre bâtiment à Rez-de-chaussée
de même largeur, l’architecte avait prévu un joint de retrait -tassement- entre les deux
édifices.
Le plancher d’étage portait de
façade à façade et une poutre plus raide est contiguë au joint, du côté des
deux niveaux, pour porter le mur pignon de l’étage et la croupe de la toiture.
Tous les murs étaient en blocs creux
de béton de 20cm d’épaisseur. La toiture n’était même pas encore posée quand le
pignon s’effondra avec sa poutre porteuse, entraînant dans sa chute une partie
du plancher et des façades. Par bonheur,
L’accident survint la nuit et ne fit
aucune victime.
Causes : la
charge concentrée appliquée par les deux extrémités de la poutre, directement
sur les parpaings, y avait développé des contraintes atteignant la valeur de
rupture.
Moralité: Il est dangereux d’appliquer une charge concentrée sur une maçonnerie
formée d’éléments creux peu résistants.
On doit dans ce cas :
• Soit interposer une semelle de
répartition si la maçonnerie règne de part et d’autre,
• Soit réaliser un poteau qui
reportera la charge plus bas, sur un élément capable de la supporter sans
risque (poutre
, dalle, fondation).
A cet effet, le coefficient de
sécurité de la maçonnerie doit être d’autant plus élevé que la structure de la maçonnerie
est moins massive, car la présence de blocs défectueux est grave de
conséquences.
Aussi, certaines briques creuses,
spécialement étudiées pour améliorer l’isolation thermique est à proscrire pour
toute fonction porteuse.
ii., Charges horizontales :
Si
les piles en maçonnerie n’ont qu’une résistance faible, les murs en revanche
résistent mieux aux poussées horizontales modérées. Les façades et pignons
constituent de bons contreventements. Cependant, si l’effort horizontal est
intense et s’exerce sur un élément faible (trumeau), il est souvent cause de
fissuration.
Exemple 2 :
Un
pavillon en briques creuses se fissure abondamment.
Les causes en sont multiples.
Les poussées horizontales
perpendiculaires au plan du mur (vent) sont particulièrement dangereuses si le
mur n’est pas suffisamment lourd, chargé et contre venté.
iii., Liaisons dangereuses :
Les
cloisons montées sur une structure en béton armé peuvent mal supporter les
étreintes de ce dernier dues au retrait et au fluage. C’est ainsi que :
• Une dalle qui fléchit au plafond
prend appui sur la cloison sous-jacente et risque de l’écraser, soit par cisaillement
des briquettes, soit par flambement d’ensemble. Le phénomène est aggravé si les
briques, de leur côté, sont gonflantes,
• Le retrait du béton, couplé à un
gonflement anormal de la terre cuite, peut provoquer des éclatements locaux du
fait des mouvements différentiels.
Exemple 3 :
Dans
un ensemble d’immeubles, certaines cloisons se fissurent aux angles des portes.
Dans certaines travées de ces
immeubles (RDC + 4), les cloisons parallèles aux façades présentaient le même désordre,
du reste peu inquiétant mais quasi systématique : les briquettes éclataient à
l’angle supérieur des portes, côté refends en béton armé.
L’ossature était mixte, à refends et
poteaux porteurs et les refends étaient distants d’une dizaine de mètres. Les cloisons
fissurées filaient de refend à refend et étaient
percées de deux ou trois portes.
Causes: l’effet conjugué du retrait du béton armé et du gonflement
élevé de la brique mettait la cloison en compression horizontale dans son plan.
Cette compression est irrégulière :
totale au dessus des linteaux de porte et nulle sur l’élévation des portes car
ces ouvertures rendaient la déformation libre.
Les angles externes de porte
subissaient parfois :
• Une concentration des contraintes
horizontales,
• Des contraintes verticales complémentaires
dues à la légère rotation de la tête du mur,
• Les éclatements apparaissaient
sous la forme de boursouflures dans les briquettes et l’enduit.
Moralité: il est dangereux d’associer deux structures aux comportements
opposés : la plus forte abîmera la plus faible.
Exemple 4 :
Des pavillons en maçonnerie de
briques creuses, construits sur sous-sol
en béton, se fissurent dans les angles, près du plancher bas.
Dans plusieurs lotissements
construits à la même époque, la fissuration était systématique, plus ou moins
prononcée, mais elle avait toujours la même allure : fissures obliques, montantes
en s’éloignant de l’angle, situées en pignon et parfois aussi en façade,
immédiatement au dessus du plancher bas de Rez de chaussée.
Causes: les
fissures en dents de scie sont caractéristiques de cisaillement.
Des contraintes se développaient à
la fois au niveau du plancher et des murs du sous-sol en béton, qui faisaient
leur retrait et la maçonnerie dont les briques de mauvaise qualité gonflaient.
Ces contraintes sont de deux natures :
• Traction sur le béton, qui les
supporte sans peine grâce à ses armatures,
• Compression dans la brique creuse.
Ces contraintes se diffusent dans
les murs pignons, et se concentrent obliquement en angle sous la forme d’une
voûte.
Cet effet provoque des contraintes
tangentielles dans les briques d’angle qui ne pouvaient les supporter.
Pourquoi les façades étaient-elles
fissurées ?
Probablement parce que le plancher
formé de poutrelles transversales et d’une dalle mince sur entrevous, était
moins raide dans ce sens.
3. Mauvaise qualité des
matériaux :
Les qualités exigées des matériaux à
mettre en œuvre dans une maçonnerie sont :
• Une bonne stabilité
dimensionnelle,
• Une résistance en fonction des
efforts supportés,
• Une bonne qualité d’isolation
thermique et phonique quand de besoin.
a-Instabilité
dimensionnelle :
i., Retrait des blocs
en béton:
Quand des blocs frais et anciens
sont montés dans un même ouvrage, le retrait plus accentué des blocs frais entraîne
une fissuration suivant leurs joints de pourtour.
Les blocs doivent être stockés, à
l’abri du soleil et de la pluie, trois à quatre semaines avant leur mise en
œuvre.
ii., Résistance insuffisante :
Les
joints verticaux n’ont pas de résistance à la traction. Les efforts horizontaux
sont transmis en ‘’zigzag’’ à travers les blocs grâce aux joints croisés. Si
les blocs sont fissurés, ces efforts ne se transmettent plus ; la fissure
s’ouvre et s’allonge souvent en suivant les joints.
iii., Isolation :
Pour
la résistance thermique, cette qualité n’est guère suffisante par elle même vu
les exigences des normes actuelles.
Néanmoins, l’avantage des éléments creux est leur prix modique et leur légèreté.
Quant à l’isolation phonique, cette
dernière est obtenue par un mur sans fissures dans les blocs comme dans les joints.
La qualité à la fois des matériaux et de la mise en œuvre en est la garante.
4. Défauts de mise en œuvre :
Les
blocs doivent être sains: toute fissure verticale d’un bloc formerait avec les
joints des lits de mortier supérieur et inférieur un coup de sabre
affaiblissant la résistance aux tractions horizontales.
Aussi, les blocs doivent être mouillés
au moment de la pose.
Le mortier doit avoir une résistance
en rapport avec les blocs.
La nature du ciment et son dosage
sont choisis en conséquence. L’homogénéité des constituants du mortier est exigée.
Aussi, les blocs doivent être mouillés
au moment de la pose.
L’appareillage à joints verticaux
croisés est évidemment de rigueur. Souvent, le joint horizontal qui se trouve vers
1,30m de haut est à l’origine de fissuration. Il s’agit de reprise de maçonnerie
due au temps pris par la mise en place de l’échafaudage.
En maçonnerie de pierre, il est recommandé
de poser les pierres dans le sens de leur orientation originale en carrière
surtout s’il s’agit de calcaire tendre ou de shists. Si ces derniers sont posés
en délit, ils risquent de se dégrader rapidement par écaillage progressif.
L’ouvrage en cours d’édification a
une forme en perpétuelle évolution. Dans chacune des phases, il doit être stable,
sous peines de désordres plus ou moins graves. Le maçon l’oublie parfois à ses
dépens.
Exemple 5 :
Un
pan de façade pourtant construit en moellons de
50
cm d’épaisseur, est renversé par le vent.
Les plans du plancher haut du
deuxième étage n’étaient pas encore prêts quand le maçon arriva à son niveau.
Pour gagner du temps, il poursuivit
son œuvre en réservant les empochements des solives et décida de monter le mur jusqu’au
plancher suivant.
Il en était au niveau des linteaux,
quand, une nuit, le vent souffla avec violence et le mur s’effondra en partie.
Le renversement se produisit autour d’un
point horizontal situé vers 1.30 m qu dessus du plancher haut du premier niveau.
On sait que ce joint est souvent
plus faible que les autres.
Toutefois, une zone d’extrémité
resta debout : elle était épaulée par un refend que l’on avait réalisé en même temps.
Causes : ce mur, monté sur la hauteur de deux
étages sans être buté par un plancher, et dont le mortier était jeune, n’était
pas stable sous la poussée d’un vent violent et cela malgré son
épaisseur. La rotation de déversement se fait selon deux sections de moindre
résistance :
A gauche: un joint horizontal où
l’adhérence était plus faible,
A droite: pour se détacher de
l’extrémité contre ventée, la section la plus courte entre deux angles de baies.
Moralité: par
suite de turbulences, il est prudent de considérer que la poussée du vent sur
un mur percé de baies est pratiquement la même que su le mur était plein.
5. Vieillissement
a., Action de l’eau :
Les
infiltrations durant la vie de l’ouvrage peuvent cause des sinistres ‘ex. fuite
de chêne aux ou de descentes pluviales, fuite de canalisation intérieure,
sanitaire ou de chauffage, fuite en terrasse),
Dissolution lente de la chaux
présente dans les blocs de ciment et le mortier de jointe-ment et la perte de résistance
qui en découle,
Amenée des sels agressifs (nitrates,
sulfates), les quels attaquent le ciment durci,
L’eau est par conséquent responsable
du vieillissement de la maçonnerie par désagrégation lente de ses joints, dé-cohésion
en parement et écaillage progressif.
b., Fissures et
déformations :
Les fissures représentent l’aspect
le plus fréquent des désordres. Les causes responsables de ces désordres peuvent
être nombreuses et souvent elles se superposent ; chacune à elle seule est
insuffisante pour provoquer le désordre.
Une vibration, un choc peut être
l’action supplémentaire qui le déclenche.
Exemple 6 :
Dans
un groupe scolaire, l’ouverture progressive d’une fissure entre poteau et
cloison accolée révèle que la cloison s’écarte lentement du poteau. Elle est
poussée par les gravas.
Les planchers de groupes scolaires
sont d’assez grande portée et souvent assez souples. L’une des grandes classes de
cours fut un jour choisie pour servir de salle de bal pour les élèves.
Peu à peu, la cloison qui la séparait
du couloir subit un lent déversement, comme le montrait l’ouverture progressive
du joint entre elle et le poteau voisin, ouverture qui naissait aux deux extrémités
et présentait son amplitude maximale vers la mi-hauteur.
Causes : la cloison, qui avait sa porte supérieure vitrée, n’était évidemment
pas mise en compression entre les planchers et on ne pouvait évoquer un
phénomène de flambement.
Le plancher bas ne montrait aucune
déformation anormale qui put engendrer une rotation du pied de la cloison.
Il y avait donc
poussée horizontale, et cette poussée s’expliquait par les gravas qui, coincés
depuis l’origine entre poteau et cloison, descendaient peu à peu : la charge
supportée par le plancher lorsque les participants au bal étaient particulièrement
nombreux, le faisait fléchir, et à cet effort statique s’ajoutaient des
flexions dynamiques causées par les danses rythmées.
La cloison, reposant sur le
plancher, suivait le mouvement et vibrait. Alternativement, vibration et
fléchissement faisaient descendre les gravas et une fois le plancher déchargé,
les gravas empêchaient la cloison de se remettre complètement en place, lui
imposant une déformation infime mais permanente qui facilitait une nouvelle
descente des gravas la fois suivante.
6. Conclusion
Le maçon fera un ouvrage dont la
qualité dépendra de sa compétence. Bien des sinistres sont causés par des phénomènes étrangers à la maçonnerie ; on ne
doit pas accuser à priori le maçon.
Seulement, on découvre bien souvent
que l’exécution n’était pas irréprochable, et que ses défauts ont aggravé sinon
déclenché le sinistre.
De tout sinistre de maçonnerie, le
maçon sort rarement innocent.
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Reviewed by KHALED Arezki
on
8/25/2019
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